- ENFANCE
- ENFANCEQUAND de grands psychologues déclaraient vers 1900 que ce siècle serait celui de l’enfant, ils revendiquaient pour ce dernier, dans le champ du savoir, une place que d’autres «objets» scientifiques auraient facilement couverte à eux seuls. Les sciences humaines en général ont eu, dans le même temps, un certain mal à se faire admettre dans cet empire des connaissances où le prestige semblait plutôt devoir revenir à des disciplines telles que la microphysique ou l’astronautique.Toujours est-il que les conquêtes préparées par des pionniers comme Édouard Claparède, Alfred Binet sont acquises: du XXe siècle, on dira aussi bien qu’il est celui de l’enfant que celui de l’atome. Dans chacun de ces domaines, le savoir, après quelques découvertes explosives, véritables moments de rupture avec l’ignorance ou l’enlisement du passé, progresse selon cette méthode cumulative qui consiste à engranger inlassablement de nouvelles connaissances, tempérées au besoin, si l’objet en est la réalité humaine, par un certain primat de la compréhension sur l’explication. De l’enfant, on «connaît» désormais le développement psychomoteur, l’évolution de l’affectivité, la structuration progressive de l’équipement logique et intellectuel, les avatars de l’insertion sociale. Et pour chacun de ces aspects du dynamisme psycho-organique, des étapes sont repérées, subdivisées, comparées.Cette science de l’enfant toutefois, ou plutôt ces sciences, au niveau du moins de leur intentionnalité la plus courante, portent encore la marque de la problématique adulte et semblent souvent hésiter à opérer le retournement qui modifierait comme il se doit la relation traditionnelle entre l’adulte et l’enfant. Certes, on s’est mis bel et bien à considérer ce dernier en lui-même; on s’intéresse à lui, non comme à une ébauche de l’homme, mais pour ce qu’il est à chaque âge, dès les premières semaines de son existence – même en sa vie intra-utérine –, non plus seulement à cause de sa grâce ou de la fraîcheur de ses dons, mais dans les vicissitudes de sa complexe et fragile maturation. Cependant, les chercheurs qui ont défriché et développé cette science de l’enfant – baptisée parfois du nom de pédologie, qu’il serait décidément préférable de laisser aux spécialistes de l’étude des sols – semblent parfois affectés de cet égocentrisme où ils voient la caractéristique de la pensée enfantine elle-même. La psychologie génétique n’étudie, en somme, que les étapes d’une progression intellectuelle dont l’aboutissement doit être la logique d’une raison adulte. Tout en donnant l’apparence de privilégier l’affectivité et les crises spécifiques qui la secouent à l’âge le plus précoce, la psychanalyse elle-même – celle du moins qui met l’accent sur les stades de l’organisation libidinale, sur les concepts de développement, de fixation, de régression – semble invinciblement obsédée par l’idée que l’enfant doit franchir harmonieusement et l’une après l’autre les différentes étapes dont la succession conditionne la structuration de la personnalité « normale », c’est-à-dire, encore une fois, de la personnalité «adulte». Sous peine de manquer son adaptation ultérieure et de sombrer un jour dans la névrose ou la psychose, le sujet devrait traverser, selon le mode requis pour chacune d’elles, toutes les phases de sa «maturation pulsionnelle».Que la psychologie génétique et la psychanalyse, pour ne parler que d’elles, en restent à cette optique de la formation de l’adulte en l’enfant, ce n’est déjà pas si mal. Comment ne pas reconnaître les bienfaits pratiques de cet «adultocentrisme»? Les impressionnantes découvertes concernant l’enfance et l’adolescence ont posé les bases d’une révolution de la pédagogie (qui ne semble guère pressée d’en tirer parti), instauré une thérapeutique et une prophylaxie des troubles psycho-organiques, affectifs ou comportementaux, balisé sur quelques points majeurs la tâche des parents, des maîtres, de la société. Sans aller jusqu’à lui attribuer un mérite décisif dans l’actuel renouveau du «sentiment de l’enfance» – car il en est probablement un des bénéficiaires –, on peut voir dans ce fécond mouvement de recherche et d’investigation le meilleur auxiliaire et le stimulant le plus efficace d’une responsabilité qui n’a sans doute jamais exigé autant de l’humanité, et pas seulement lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins indicibles des jeunes inadaptés.D’où vient-il que l’humanité adulte s’obstine à éluder le renversement que de telles connaissances, ou plutôt l’«objet» focal de celles-ci, l’enfant lui-même, lui imposent? En bouleversant l’image que l’homme se faisait de l’enfant, c’est la relation même entre le premier et le second que le savoir nouveau aurait dû transformer radicalement. Certes, avant même d’envisager un renversement qui reviendrait à énucléer de l’ordre scientifique cette science de l’enfant, il faut reconnaître que les acquisitions objectives de celle-ci ont déjà notablement déplacé les représentations classiques et changé, dérangé même, l’image que l’adulte avait de lui-même: la psychanalyse a éclairé ce dernier moins sur la formation de la personnalité en général que sur la survivance de l’infantile en l’adulte. De son côté, la psychologie génétique a été amenée à redéfinir l’intelligence à partir de son mode de formation et de développement. C’est même en ce domaine, déclare Jean Piaget dans l’Encyclopédie française , que «la psychologie de l’enfant a fourni le plus de résultats nouveaux depuis 1935». En étudiant, à partir des actions sensori-motrices initiales jusqu’aux opérations les plus abstraites, les processus de cette faculté qu’on croyait connaître, on s’est aperçu qu’en réalité «les fonctions essentielles de l’intelligence consistent à comprendre et à inventer, autrement dit à construire des structures en structurant le réel».Mais ces apports inattendus aboutissent seulement à mieux cerner la réalité adulte dont on ne cherche dans la réalité enfantine que les moments enchaînés d’une lointaine préparation. Il s’agit toujours, comme dit Jean-Bertrand Pontalis, de «faire rejoindre à l’enfant – être négatif et dépendant – la pleine positivité, l’autonomie supposée de l’adulte».On peut s’étonner de l’idéal de la psychologie expérimentale qui, vers 1880 avec Wundt, mettait une coupure radicale entre la science et la réalité et se gardait de tout souci d’applications pratiques. «De telles préoccupations, remarque René Zazzo, eussent paru aux psychologues de cette époque la négation même de l’esprit scientifique.» Le praticien et l’éducateur ont aujourd’hui leur revanche: en vertu d’un processus qui ramène toujours le savoir aux pieds de la culture où il saisit son objet, la connaissance de l’enfant, même psychanalytique, est devenue une forme de pédagogie, un moyen de mieux adapter le petit d’homme à la société dont il est un produit.Un tel programme s’avère illusoire, plein de pièges. Le savoir accumulé qui prétend l’étayer devient lui-même suspect: s’il nous apprend beaucoup de choses sur les étapes du développement humain et même sur l’«enfant-problème» ainsi que sur la manière de le rééduquer, il ne peut tenir lieu d’une écoute de l’enfant dans sa vérité, d’une authentique approche de l’«enfantquestion», selon l’expression de J.-B. Pontalis, d’une attention à ce qu’il demande comme à ce qu’il tait, en un mot à l’articulation de ses désirs œdipiens avec l’interdit primordial. Cet échec du savoir adulte et de nos bonnes intentions trouve une illustration cuisante dans le refus que l’enfant oppose inconsciemment aux plus habiles programmes d’éducation sexuelle. Les maîtres et les parents, s’ils ne sont pas trop imbus de leur compétence, mesureront très vite les risques et les impasses de cette nouvelle responsabilité pédagogique qu’on voudrait généraliser à coups de décrets ministériels. Freud lui-même a fait les frais de cette naïveté. Mais sa conclusion sur les limites et l’artifice d’une instruction sexuelle de type «scientifique» est sans appel: «Après, les enfants savent bien quelque chose qu’ils ne savaient pas avant, mais ils ne font aucun usage de ce savoir. Ils se comportent comme les primitifs auxquels on a imposé le christianisme et qui continuent en secret à honorer leurs anciennes idoles.»Que le savoir positiviste et même une certaine psychanalyse puissent, de ce point de vue, être suspectés de se dérober devant la vérité de l’enfant, cela ne redonne aucune chance aux partisans de l’intuitionnisme ou du «compréhensionnisme». La science de l’enfant et de l’infantile en l’homme a atteint, notamment avec Freud, un point de non-retour; mais, comme le montre ci-dessous l’article intitulé «L’enfant et la psychanalyse», la science est non seulement système ouvert, elle est par excellence ce qui, dans l’ordre de la connaissance, doit être perpétuellement repensé, relu, réinterprété; ce qui doit aussi porter les questions là où on ne les attend pas. Cependant, pour pratiquer cette méthode de constant déplacement des problèmes ou de reprise des mêmes problèmes en recommençant sans cesse par le commencement, la science de l’enfant doit non seulement se garder d’accorder une efficacité toute-puissante à ses progressives acquisitions, mais aussi se défendre contre une tentation qui est inhérente à la société elle-même: celle de faire de l’enfant essentiellement un être qui doit s’adapter aux mythes du groupe et dont les adultes attendent l’accomplissement de leurs rêves ou la réparation de leurs échecs. Ainsi pris dans la parole d’autrui, il ne peut jamais être rencontré dans sa vérité, dans ses questions. Une voie se cherche aujourd’hui dans différents pays qui veut rendre à l’enfant sa parole perdue en l’amenant à «dire» ses désirs, ses drames, ses délires même. Mais les adultes qui s’y engagent doivent alors accepter de rencontrer en l’enfant à la fois ce qui fait l’homme et ce qui le défait.• XIIe; lat. infantia « bas âge »1 ♦ Première période de la vie humaine, de la naissance à l'adolescence. La petite enfance : les toutes premières années. Il a eu une enfance heureuse. Le berceau de son enfance. « Les inquiétudes éprouvées depuis l'enfance » (Proust). Dans son enfance. Dès sa plus tendre, dès sa première enfance. Souvenirs d'enfance. Une amie d'enfance. « Que vous ne puissiez reconnaître en moi un camarade d'enfance » (Baudelaire).2 ♦ Sing. collect. Les enfants. ⇒ jeunesse. « cette réalité de l'enfance, dont l'interrogatoire des grandes personnes dérange brutalement la féerie » (Cocteau). La protection de l'enfance. L'aide à l'enfance malheureuse. Le fonds d'aide à l'enfance des Nations unies (U. N. I. C. E. F.).3 ♦ Mentalité infantile réapparaissant dans le cas d'affaiblissement sénile des facultés (dans l'expr. retomber en enfance)(⇒ gâtisme, sénilité).4 ♦ Fig. Première période d'existence d'une chose. ⇒ commencement, début, origine. « une science dans l'enfance comme la médecine » (Cl. Bernard). — Loc. C'est l'enfance de l'art : c'est élémentaire, très facile (cf. C'est un jeu d'enfant).⊗ CONTR. Vieillesse. Déclin.Synonymes :- aube- aurore- embryon- germeRetomber en enfanceSynonymes :- gâtismeenfancen. f.d1./d Période de la vie de l'être humain qui va de la naissance jusqu'à l'âge de la puberté. Une enfance très malheureuse.d2./d L'enfance: les enfants. La cruauté de l'enfance.d3./d Fig. Début, commencement, premier temps. L'enfance du monde.— Loc. Fam. C'est l'enfance de l'art: c'est très facile à faire.⇒ENFANCE, subst. fém.A.— Premières années de la vie d'un être humain jusqu'à l'adolescence.1. [À propos d'un être de cet âge] Berceau de mon enfance; sortir de l'enfance. Vous savez que je me suis marié... oui, avec une petite amie d'enfance (ZOLA, Argent, 1891, p. 23). La notion des devoirs, depuis ma tendre enfance, dominait ma vie (GIDE, Robert, 1930, p. 1319).— P. méton. [L'être hum. considéré dans son enfance] Les délices des arts ont nourri mon enfance (CHÉNIER, Élégies, 1794, p. 154). Omer Héricourt admira l'homme qui s'accroissait en lui, l'homme qui joindrait son effort à ceux que son enfance avait appris (ADAM, Enfant Aust., 1902, p. 270).— P. anal. [À propos d'un animal] Le rapace sort tout de suite de l'enfance. Il en connaît à peine l'hésitation (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 180).2. P. anal. [À propos d'un être adulte]a) Manque de maturité, naïveté, innocence. Notre esprit resterait dans une éternelle enfance (DESTUTT DE TR., Idéol., 1, 1801, p. 347) :• 1. On sait gré à Ésope de ses fables, à cause de leur but moral, et l'on ne peut pas l'accuser d'imposture, puisque les enfans mêmes ne s'y laissent pas tromper, au lieu que les fables de l'élysée et du tartare sont crues à la lettre par beaucoup d'hommes, qu'elles tiennent dans une enfance éternelle.DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 514.— Comportement d'enfant. Synon. enfantillage. Le budget suffit à tout, et voilà ce que c'est que ce représentatif dont là-bas vous vous faites une peur. Sottise, enfance, mon cousin; il n'est rien de meilleur au monde (COURIER, Pamphlets pol., Pièce diplomatique extraite des journaux angl., 1823, p. 193).b) [À propos d'une vieille personne] Diminution ou perte des facultés qui ramène un vieillard à l'état mental du premier âge. Être, (re)tomber en enfance. Synon. gâtisme, ramollissement. Je voudrais avoir un ami qui me fît le serment de me brûler la cervelle, si jamais je tombais en folie ou en enfance (VIGNY, Journal Poète, 1832, p. 951). Vers ses quatre-vingts ans (...) l'enfance sénile avait tout à coup terrassé son intelligence (LOTI, Rom. enf., 1890, p. 38).3. Au fig. Commencement, naissance de quelque chose. Dans l'enfance des nations, quand les hommes vivaient encore dans les forêts, soumis tous aux mêmes besoins, doués tous des mêmes facultés, ils étaient tous presque égaux en forces (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 54). Étant donné l'enfance extraordinaire et tardive de la psychiatrie (BRETON, Nadja, 1928, p. 132).— Expr. C'est l'enfance de l'art. Simple, élémentaire. C'était un moyen terme à l'état rudimentaire et dérisoire : c'était l'enfance de l'art! (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 83).B.— P. méton. Les enfants pris dans leur ensemble, en tant qu'état de la vie. L'enfance ne sait pas lutter contre le chagrin (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 156). Ma fille dit-il, ne sera pas élevée par une duègne. Ces vieilles sottes inculquent à l'enfance des idées d'un autre âge (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 59) :• 2. Tous ces enfants étaient de l'espèce chétive, de l'humanité miséreuse (...) : un ensemble de figures pâlottes, propres, mais « pas fraîches »; on sentait la chair creuse, la substance inférieure, les cheveux même paraissaient communs et fanés. Ce n'était pas seulement l'enfance et sa fragilité, ce n'était pas seulement le mystère des existences commençantes qui m'inquiétait, c'était la notion pénétrante de pauvreté.FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, p. 20.— Loc. à valeur adj. D'enfance. D'enfant. Synon. enfantin. Avec sa face creusée et farouche, où vacillaient des yeux d'enfance (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 356).Prononc. et Orth. :[
]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1120-50 « première période de la vie humaine » (Gd mal fit Adam, I, 128 ds T.-L.); 1667 collectivement « les enfants » (RACINE, Andromaque, I, 2); 2. ca 1160 « manière d'agir, d'être d'un enfant; naïveté, enfantillage » (Enéas, 7813 ds T.-L.); ca 1260 « état de puérilité » revenir en anfance (PH. DE NOVARE, Quatre Ages, 167, ibid.); 3. avant 1613 « origine, commencement » (RÉGNIER, Sat. VI, éd. G. Raibaud, p. 65). Empr. au lat. class. infantia « bas âge; les enfants; la jeunesse ». Fréq. abs. littér. :5 625. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 7 699, b) 7 089; XXe s. : a) 7 230, b) 9 206. Bbg. DELANNAY (M.). Le Vocab. concernant l'enfance dans Émile ou De l'Éducation et la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau. (Licence. Louvain. 1966-67). — KESTELIJN (M.-.E). La Maternité et l'enfance dans la vie et dans l'œuvre de Marceline Desbordes-Valmore. (Licence. Louvain. 1965-66). — TAUBER (Ch.). Le Thème de l'enfance dans la litt. actuelle. (Thèse Zürich. 1971).
enfance [ɑ̃fɑ̃s] n. f.ÉTYM. XIIe; lat. infantia « bas âge », de infans, infantis. → Enfant.❖1 Première période de la vie humaine, de la naissance à l'adolescence. ⇒ Âge (le premier âge, l'âge tendre, l'âge innocent, être en bas âge). || L'enfance s'étend de la naissance jusqu'autour de la treizième année, où commence l'adolescence (⇒ Adolescence, jeunesse, puberté). || Au sortir de l'enfance. || L'enfance, apprentissage (cit. 10) de la vie. || Avoir eu une enfance troublée, malheureuse, heureuse, choyée, comblée. || Une enfance parisienne, qui se passe, s'est passée à Paris. ☑ C'est le berceau de mon enfance, le lieu où elle s'est écoulée (→ Attendre, cit. 14). || Les bruits dont son enfance a été bercée (cit. 4). || Souvenirs d'enfance (→ Barbouiller, cit. 9; cadre, cit. 9). || Souvenirs d'enfance et de jeunesse, œuvre de Renan (1883). — Être amis, camarades d'enfance. || Principes reçus dès la première, dès la plus tendre enfance. → Dès le berceau; sucés avec le lait. || Goûts, ambitions, sentiments, habitudes que l'on a contractés dès l'enfance, dès sa première enfance, dans son enfance, depuis son enfance (→ Adonner, cit. 1; approcher, cit. 6; attacher, cit. 98; déchirement, cit. 10; décorer, cit. 7; documenter, cit. 1; dragon, cit. 9).1 Je trouve que nos plus grands vices prennent leur pli de notre plus tendre enfance, et que notre principal gouvernement est entre les mains des nourrices.Montaigne, Essais, I, XXIII.2 Nous nous aimions tous deux dès la plus tendre enfance (…)Racine, la Thébaïde, II, 1.3 (…) notre enfance laisse quelque chose d'elle-même aux lieux embellis par elle, comme une fleur communique un parfum aux objets qu'elle a touchés.Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 92.4 Oui, je reviens à toi, berceau de mon enfance,Embrasser pour jamais tes foyers protecteurs.Lamartine, Nouvelles méditations, « Préludes ».5 Suis-je tellement changé que vous ne puissiez reconnaître en moi un camarade d'enfance, avec qui vous avez daigné jouer à cache-cache et faire l'école buissonnière ?Baudelaire, la Fanfarlo.6 (…) tous deux (Proust et Ruskin) avaient eu des enfances couvées par des familles trop tendres (…)A. Maurois, Études littéraires, t. I, p. 105.7 En somme, nous n'étions jamais sortis de l'enfance, nous inventions sans cesse, nous inventions nos peines, nos joies, nous inventions la Vie, au lieu de la vivre.Bernanos, Journal d'un curé de campagne, p. 52.7.1 Facteurs et filiation répondent au principe même de la psychologie enfantine, s'il est vrai que l'enfance a dans la vie de l'individu une valeur fonctionnelle, comme période où s'achève de se réaliser en lui le type de l'espèce.Henri Wallon, l'Évolution psychologique de l'enfant, p. 8.♦ Hist. littér. (au plur.). || Les enfances de Tristan, de Lancelot, de Vivien (ou avec la syntaxe médiévale : les enfances Tristan, les enfances Lancelot) : les actions et exploits accomplis durant leur enfance et leur première jeunesse par ces héros de romans ou chansons de geste du moyen âge.2 (Av. 1650). Sing. collectif. Les enfants. || L'avenir d'un pays réside dans son enfance. || L'enfance est espiègle. || La tendresse, les grâces, l'enjouement de l'enfance (→ Cupidon, cit.). || Les premiers développements (cit. 2), le caractère (cit. 36) de l'enfance. || S'occuper de l'enfance. || L'enfance malheureuse, abandonnée, délinquante. || La protection de l'enfance.8 Tout était juste alors : la vieillesse et l'enfanceEn vain sur leur faiblesse appuyaient leur défense (…)Racine, Andromaque, I, 2.9 L'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres; rien n'est moins sensé que de vouloir y substituer les nôtres (…)Rousseau, Émile, II.10 (…) cette réalité de l'enfance, réalité grave, héroïque, mystérieuse, que d'humbles détails alimentent et dont l'interrogatoire des grandes personnes dérange brutalement la féerie.Cocteau, les Enfants terribles, p. 24.3 (V. 1260). Mentalité infantile réapparaissant dans le cas d'affaiblissement sénile des facultés (dans des expressions, notamment en enfance). ⇒ Imbécillité, inconscience. ☑ Vieillard qui tombe, qui est retombé en enfance. ⇒ Gâtisme, sénilité (→ Arguer, cit. 1). || Être en enfance. ⇒ Gâteux.11 L'imbécile (faible) Ibrahim (…)Traîne, exempt de périls, une éternelle enfance.Racine, Bajazet, I, 1.11.1 « Messieurs, je deviens vieux et tombe en enfance. Traitez-moi comme un enfant. »J. Green, Journal, 1er avr. 1962, Vers l'invisible, p. 312.4 (Av. 1613). Fig. Première période d'existence (d'une chose). ⇒ Commencement, début. — L'enfance de qqch. || La divine enfance du cœur. ⇒ Fraîcheur, ingénuité (→ Athénien, cit. 5). || L'enfance du monde. ⇒ Origine. || L'enfance de Rome, de l'humanité (→ Développement, cit. 9; distinguer, cit. 16). — Dans l'enfance, en enfance. || Science, art qui est encore dans l'enfance. ⇒ Lange (dans les langes); → Cinéma, cit. 3.12 Dans les temps bienheureux du monde en son enfance (…)Boileau, Satires, V.13 À cette époque (…) l'agriculture, le commerce, étaient dans l'enfance, et l'économie politique n'était pas encore née.A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, t. I, p. 141.14 (…) mais quand il s'agit d'une science dans l'enfance, comme la médecine, où existent des questions complexes ou obscures non encore étudiées, l'idée expérimentale ne se dégage pas toujours d'un sujet aussi vague.Claude Bernard, Introd. à l'étude de la médecine expérimentale, p. 56.♦ ☑ Fam. C'est l'enfance de l'art : c'est la première chose que l'on apprend dans un art, la plus élémentaire, la plus facile pour réussir (→ Corrupteur, cit. 3).❖CONTR. Maturité, vieillesse. — Épanouissement; déclin.
Encyclopédie Universelle. 2012.